
Un néologisme nécessaire : victimicité
En français, il n’existe pas de terme précis pour désigner la transformation de ce que l’on a subi en une perception durable de soi comme victime. Les mots existants, tels que victimisation ou victimisme/mentalité victimaire, sont insuffisants :
- Victimisation décrit les faits subis mais ne rend pas compte de l’impact durable sur l’identité.
- Victimisme / mentalité victimaire porte une connotation négative, pouvant suggérer que la personne « se complaît » dans son rôle de victime, ce qui stigmatise et disqualifie son vécu.
Pour combler ce vide conceptuel et éviter toute confusion, nous introduisons le terme victimicité, un néologisme méthodologique inspiré du concept anglophone de victimhood.
Ce nouveau terme permet de :
- Distinguer clairement ce que l’on subit (victimisation) de ce que l’on devient dans la perception de soi (victimicité).
- Éviter les jugements ou stigmatisations liés au terme victimisme.
- Offrir un outil scientifique et pédagogique pour la formation, l’accompagnement et la prévention.
Ainsi, l’introduction de ce terme n’est pas une invention gratuite : elle répond à un besoin conceptuel et méthodologique, en apportant précision, neutralité et clarté dans l’analyse du vécu des victimes.
Victimisation et victimicité : distinguer ce que l’on subit de ce que l’on devient
Dans les accompagnements que nous menons auprès des individus et des entreprises, une confusion revient souvent : celle entre victimisation et victimicité. Deux notions proches… mais fondamentalement différentes. Mal les distinguer peut avoir des conséquences lourdes, tant pour les personnes concernées que pour celles et ceux qui les accompagnent.
⚠️ Victimicité est un néologisme méthodologique en français, inspiré des travaux anglophones sur victimhood. Il sert à distinguer la simple victimisation de la perception durable de soi comme victime.
Victimisation : ce que l’on subit (harcèlement, injustice, abus).
La victimisation désigne le fait d’être exposé·e à une violence, un abus ou une injustice. Dans le monde professionnel, cela peut prendre la forme d’un harcèlement, d’une discrimination, d’une mise à l’écart systématique ou encore d’un abus d’autorité.
📌 Victimisation secondaire
Ce processus peut se prolonger après les faits. Lorsqu’une personne qui dénonce une situation de harcèlement est ignorée, disqualifiée, ou rendue responsable de ce qu’elle a subi, elle ne subit pas seulement une injustice initiale : elle est à nouveau blessée par la réponse (ou le silence) de l’organisation.
Une confusion amplifiée par la langue française
En français, nous n’avons pas de mot équivalent à victimhood. Le terme de victimisation est souvent utilisé à tort pour désEn français, il n’existe pas de mot équivalent à victimhood. Le terme de victimisation est souvent utilisé à tort pour désigner des personnes qui parlent de leur souffrance ou revendiquent leur statut de victime. On entend par exemple :
« Elle se victimise. »
« Il joue à la victime. »
Cela revient à disqualifier l’expression de la souffrance, en la présentant comme une stratégie ou une posture. C’est non seulement injuste, mais aussi dangereux : cela empêche la reconnaissance du préjudice subi, première étape du processus de reconstruction.
📌 Comprendre cette confusion linguistique met en évidence la nécessité d’un terme spécifique pour désigner l’expérience durable de soi comme victime : c’est ici qu’intervient le concept de victimicité.
📚 Victimicité : quand le vécu devient identité
Actuellement, il n’existe pas de sources académiques francophones établies utilisant explicitement le terme victimicité.
Dans nos recherches, nous l’employons pour traduire l’anglais victimhood, afin de distinguer la perception durable de soi de ce que l’on a subi. Bien que peu utilisé en français, ce concept s’inspire de travaux en psychologie, sociologie et criminologie et pourrait devenir un outil utile pour clarifier ces différences.
On entend par victimicité la perception durable de soi comme victime et ses effets identitaires (émotions, mémoire, place dans la société).
💡Exemple d’un processus de victimicité
1.Subir des abus répétés
Une personne est confrontée à des humiliations publiques, une surcharge de travail ciblée ou une mise à l’écart systématique.
2. Internalisation
Sans soutien psychologique adéquat, elle commence à considérer ces expériences comme représentatives de sa valeur personnelle.
3. Construction d’une identité négative
Elle se voit comme « celle qui échoue » ou « celle qui dérange ». Cette perception altère durablement sa confiance en elle, sa capacité à prendre la parole ou à assumer des responsabilités, et sa manière de se positionner dans ses relations professionnelles.
4. Ancrage dans l’identité
Sur le long terme, l’expérience subie devient une partie de son identité, modifiant sa façon de se percevoir et de se présenter au monde.
5. Effets à long terme sur le comportement et les opportunités
Même après un changement d’emploi, cette croyance internalisée continue d’influencer ses comportements : elle hésite à proposer des idées, à saisir des responsabilités ou à prendre des initiatives. Progressivement, l’expérience passée se rejoue dans le présent comme une prophétie autoréalisatrice, consolidant ainsi son identité figée de victime.
Pourquoi il est pertinent de nommer cette notion ?
Le terme victimicité permet de :
- Reconnaître la distinction entre ce que l’on subit et la manière dont l’expérience vécue peut s’ancrer dans l’identité.
- Éviter de réduire la personne à son expérience de victime, tout en légitimant son vécu.
- Offrir un outil conceptuel pour la formation, l’accompagnement et la prévention dans les environnements professionnels, cliniques ou éducatifs.
📌 Utiliser le terme victimicité permet de nommer l’expérience vécue et de prendre des mesures concrètes pour prévenir son intégration durable dans l’identité.
Comment prévenir le basculement vers la victimicité ?
Pour éviter que la victimisation se transforme en une perception durablement figée de soi comme victime, il est essentiel d’agir à plusieurs niveaux :
- Former les équipes pour qu’elles reconnaissent les mécanismes de victimisation et comprennent leurs impacts,
- Accompagner les personnes concernées dans une logique de revalorisation, plutôt que d’imposer l’injonction à la résilience,
- Intégrer dans les politiques RH une approche sensible aux enjeux psychologiques liés au vécu de la victime, afin de créer un environnement sécurisant et soutenant.
✍️ Références anglophones
Ces travaux examinent comment le statut de victime peut devenir un élément identitaire durable, ce que nous traduisons par victimicité en français.
- Allan, S., & Allan, A. (2013). The Social Psychology of Victimhood. London: Routledge.
- Staub, E. (2006). Reconciliation after Genocide, Mass Killing, or Intractable Conflict: Understanding the Roots of Violence, Psychological Recovery, and Steps Toward a General Theory. Political Psychology, 27(6), 867–894.
- Bar-Tal, D. (2013). Intractable Conflicts: Socio-Psychological Foundations and Dynamics. Cambridge University Press.
Pourquoi cette distinction est cruciale ?
Être victime ne définit pas qui l’on est, mais révèle surtout ce que l’on a traversé.
Accompagner une personne qui a subi une injustice, ce n’est pas seulement écouter son récit : c’est aussi lui donner les moyens de se réapproprier son identité, au-delà de ce qu’elle a vécu.
- ✅ Écouter la souffrance exprimée
- ✅ Reconnaître sans hésitation la réalité du statut de victime
- ❌ Ne jamais enfermer la personne dans cette identité
Parce qu’il est important de nommer sans enfermer, nous proposons :
- Des formations pour mieux comprendre ces dynamiques et prévenir la victimisation secondaire
- Un accompagnement sur mesure pour les individus et pour les entreprises
- Un espace d’écoute confidentiel pour reconnaître, transformer et reconstruire
En conclusion:
Agir pour prévenir le harcèlement et accompagner vos équipes permet de créer un environnement sécurisé où chacun peut pleinement s’épanouir et exceller. C’est en reconnaissant, transformant et valorisant le vécu des personnes concernées que l’on construit des équipes résilientes, confiantes et performantes.
📌 Employer le terme victimicité devient alors un outil concret : il nomme l’expérience vécue, guide les actions de prévention et empêche que le vécu traumatique ne s’ancre durablement dans l’identité.
En investissant dans ces mesures, vous ne protégez pas seulement vos collaborateurs : vous favorisez un climat de travail inclusif, responsabilisant et propice à l’excellence collective.
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